Comment accompagner les fusions d’équipes et d’entreprises au croisement d’enjeux RH, organisationnels et de pilotage de projets ?
Homme de terrain, Mathieu a évolué entre le monde du management et du projet avec la volonté de se positionner comme facilitateur afin d’allier le collectif vers l’atteinte d’un objectif commun. Un enjeu en particulier présent dans les contextes de rapprochement d’entreprises et d’équipes où la prise en compte de l’humain face à la transformation de l’organisation est essentielle !
Quels sont les risques et les enjeux principaux à anticiper dans le cadre de fusion d’équipes ou de rapprochement d’entreprises ?
La toute première question à se poser, c’est « pourquoi procède-t-on à ce rapprochement ? ». Cet objectif doit être au cœur, du début à la fin de la transformation : le partager et l’expliquer permet de contextualiser le changement d’organisation et est un des leviers pour embarquer les équipes. Si l’enjeu principal est souvent économique, il entraîne par exemple des gains comme le maintien de l’emploi ou une qualité de travail qui va s’améliorer. Derrière cet enjeu économique et de stratégique d’entreprise, les impacts sont principalement humains et organisationnels. Il existe bien sûr aussi un risque en termes d’image de marque, vis-à-vis des clients, qu’il faut anticiper. Le parcours client peut également évoluer. Ainsi, les fusions vont concerner l’ensemble de l’organisation de l’entreprise : ressources humaines aussi bien que fonctions supports et métiers. La culture d’entreprise peut aussi évoluer afin de l’harmoniser entre les deux parties.
Les fusions sont l’occasion de revoir les processus et l’organisation des deux entreprises ; pas uniquement de celle qui accueille ! C’est donc l’opportunité d’analyser les gains organisationnels et les bonnes pratiques à consolider des deux côtés, et un levier pour apporter de nouveaux repères aux collaborateurs.
Quels sont les différents projets qui découlent d’un rapprochement d’entreprises ou d’équipes ?
Les projets principaux vont concerner la définition et la mise en place de l’organisation cible ainsi que l’adaptation des ressources humaines et l’accompagnement au changement. Cependant, ces contextes de fusion intègrent très souvent des projets plus opportunistes. Dans l’expérience que j’ai vécue, l’union des deux entreprises a permis de couvrir la totalité du parcours client. Par ricochet, il a fallu retranscrire cette évolution dans l’organisation des équipes, les services proposés, et refondre l’expérience client. Bien sûr, les changements organisationnels impactent aussi le système d’information et l’organisation du travail. Dans la fusion que j’ai accompagnée, nous avons mis en place une nouvelle manière d’organiser le travail par pool d’activité afin d’éviter d’éclater géographiquement les équipes. Nous nous sommes adaptés ! Ces transformations peuvent aussi entraîner des répercussions sur des dimensions matérielles, voire immobilières, comme dans le cas de changement de locaux. La coordination entre les différents projets est donc impérative, car ils sont très souvent interdépendants. Si demain, les activités A et B deviennent A, B et C, c’est de l’organisation. Cependant, cela a directement un impact humain, et potentiellement client si les interlocuteurs changent. Nous sommes donc dans une démarche PPM (Project Portfolio Management) ! Disposer d’un directeur de programme pour piloter l’ensemble des sous-projets est d’ailleurs une clé de succès.
C’est souvent le projet RH qui donne la temporalité. C’est non seulement le plus critique et aussi celui qui doit respecter le plus d’instances et de procédures précises.
Au niveau du management organisationnel et de la définition de l’organisation cible, quelle démarche mettre en place ?
Une première organisation cible est généralement délimitée en amont, au sein du COPIL lors de l’initialisation de la fusion. Cependant, l’objectif n’est pas de l’imposer : au sein du plan projet, si nous avons la cible d’organisation, nous savons aussi qu’elle peut évoluer. La phase de cadrage est, bien sûr, très importante. Il faut identifier et analyser les risques et les gains, en fonction de l’architecture organisationnelle. L’équipe va ensuite modéliser un macro-processus pour projeter le plan et les étapes clés. Pour cela, une démarche est de croiser les processus et l’organisation de deux parties. Etudier les processus de l’entreprise qui accueille, analyser leur intérêt et les confronter au nouvel objectif. Puis étudier les processus de l’entreprise qui rejoint, et les analyser de la même manière pour savoir s’ils peuvent correspondre au nouvel objectif. La ligne managériale de proximité est ensuite associée. Le but est d’embarquer les cadres intermédiaires et agents de maîtrise. Nous avions organisé des ateliers itératifs par équipe durant lesquels nous présentions la philosophie et l’organisation cible sans rentrer dans les détails pour faciliter les échanges. Nous recueillions aussi leurs feedbacks : ce sont eux qui connaissent le mieux le terrain et c’est ainsi l’occasion d’identifier les leviers ou des risques que nous n’avions pas détectés ! Les retours consolidés et analysés sont ensuite présentés en comité de pilotage pour être arbitrés. La deuxième phase est de revenir vers les équipes, pour donner du sens sur la copie finale d’organisation, au regard de la copie initiale et de leurs propositions. L’organisation cible et le plan sont ensuite partagés avec les partenaires sociaux avant une présentation à l’ensemble des collaborateurs lors d’un kick-off par exemple.
Pour faciliter la fusion, il faut embarquer les différents niveaux de l’organisation. Mieux vaut pour cela être à l’écoute, prendre les avis pertinents en compte, et donner du sens.
Cette évolution de l’organisation a de forts impacts humains. Au niveau de la fonction RH et des équipes, comment accompagner ce changement ?
La courbe de deuil est très présente pour les équipes. Ces changements génèrent aussi des angoisses. Les enjeux humains sont donc forts et impliquent une communication régulière, de la transparence et un accompagnement de proximité. Tout d’abord, il est impossible de faire l’impasse sur les règles RH ! Il faut être irréprochable sur ces principes, en termes de processus, d’instances et de délais. Les syndicats maîtrisent ces aspects, et il faut éviter d’ajouter des difficultés supplémentaires en créant des failles. Durant l’initialisation du projet, les études RH permettent de construire plusieurs scénarios possibles qui seront partagés lors des comités de pilotage. Ces scénarios projettent, par exemple, les différents profils sur des postes similaires en fonction de leurs expériences. Pour réussir la fusion, la nouvelle chaîne managériale intègre souvent des managers des deux entités. Il faut donc répondre à des situations où les organisations d’origine disposaient de 10 managers pour l’une et 7 pour l’autre, et l’organisation cible seulement de 13 positions de managers. De plus, c’est aussi l’occasion d’ouvrir des opportunités aux collaborateurs. Cela implique d’étudier d’autres scénarios comme des promotions ou des postes transverses. Pour chaque personne concernée, des entretiens individuels sont ensuite mis en place avec une personne de l’équipe RH, ainsi que le manager d’origine. Ces sessions d’écoute individualisées permettent d’apporter des explications et de recueillir les craintes et les souhaits. C’est également le cadre où sont présentées les différentes hypothèses de parcours possibles pour la suite. De plus, l’accompagnement vers la nouvelle fonction peut impliquer d’acquérir de nouvelles compétences. Une personne peut accepter un poste, tout en étant conscient, avec les craintes que cela engendre, qu’elle n’est pas sachante sur la totalité du futur périmètre d’activités. Pour répondre à cela, nous avions mené un principe d’auto-évaluation des métiers pour identifier les besoins et adapter le parcours de formation.
L’équipe RH est centrale dans ces projets. C’est vers elle que l’équipe projet se tourne et elle qui rythme l’avancement entre l’étude initiale et la mise en production. Elle est généralement la maîtresse du temps et du planning !
Du point de vue du manager, quelle est selon toi la posture à adopter ?
Ce sont des périodes complexes, et qui impliquent pour chaque manager d’être très vigilant à la perception de chacun et de s’assurer de garder le contact avec ses équipes. Les collaborateurs doivent nous sentir disponibles ! Une erreur est de se focaliser en tant que manager sur les personnes qui seront accueillies, en investissant peu de temps sur ses propres équipes. Comme toute transformation qui impacte l’humain, elle donne lieu à beaucoup de ressentis. Chacun va personnaliser la problématique en fonction de ses enjeux personnels. En tant que manager, nous devons l’entendre, être facilitateur, mais aussi savoir recentrer les échanges par rapport à l’objectif de la fusion. En effet, les contraintes de la fusion sont là et ont été étudiées. Notre rôle est d’accompagner les personnes vers ce futur référentiel. Le management visuel est, de mon point de vue, un support intéressant. Il facilite la présentation du projet et l’appropriation par les équipes. Savoir formaliser et synthétiser pour faire passer les bons messages est une évidence ! Les personnes qui pilotent ces projets de fusion doivent bien sûr disposer de fortes connaissances métier et méthodologiques autour de la gestion de projet. Ce n’est cependant pas suffisant. Appréhender la sphère RH est aussi nécessaire au niveau des règles et de la gestion des compétences. De plus, disposer d’une vision du fonctionnement transversal des entreprises facilite la compréhension du maillage entre les différents services.
Ce sont des contextes où la notion de courage managériale prend tout son sens !
Pourrais-tu nous partager un exemple de mission dans un contexte de fusion et les retours d’expérience que tu en as tirés ?
Dans mon expérience personnelle, la fusion des deux entreprises était à la fois due à un contexte concurrentiel fort qui mettait l’une des deux en difficulté, et à une complémentarité entre les deux activités au niveau du parcours clients. Le rapprochement entre les équipes avait ainsi pour objectif de préserver l’activité, les parts de marché et de proposer de nouveaux services. Mon rôle a été de piloter le changement d’organisation des métiers et le nouveau parcours clients, y compris sur des aspects transverses comme l’évolution des locaux. Mon quotidien était rythmé entre gestion de projet et management du pôle client. Je travaillais en binôme très proche avec les RH. La fusion a impliqué de redéfinir les activités et les compétences. Nous avions toutes et tous à apprendre de chacun et de chaque organisation ! Nous avons mené des ateliers pour recueillir la vision des managers intermédiaires face à l’objectif programmé, qui était ensuite synthétisée et restituée au CoPil. Nous animions également de grandes tables rondes pour partager les informations : la fusion des équipes concernait plus de 250 personnes ! En parallèle des enjeux organisationnels et humains, nous avons rationalisé les locaux et les frais de fonctionnement en créant un nouvel espace commun, avec de nouvelles méthodes de travail et un pilotage central de l’activité. Nous avons profité également de la fusion pour casser les silos et redéfinir les métiers pour les orienter vers de la poly activité. Ce croisement entre fonctions opérationnelles techniques et orientées client a impacté la répartition des compétences. L’objectif était d’optimiser l’organisation pour fluidifier le parcours client.
Animer le projet tout en assurant le RUN a été un réel défi. En effet, l’énergie mise sur la fusion ne devait pas impacter la performance quotidienne. Cela impliquait de faire sans cesse le lien entre présent et futur !
Chez Projexion, nous pouvons intervenir et accompagner ces contextes de rapprochement au travers de nos directeurs de projets, managers de transition aussi bien que sur des missions d’audit organisationnel et de stratégie RH.
Soyez averti(e) de nos prochains évènements et publications via LinkedIn !