Loi AGEC: Quels sont les enjeux et les échéances de la mise en place de la loi pour les acteurs du marché du textile ?

conformité loi AGEC

En réponse à l‘urgence climatique, le gouvernement a voté la loi « Anti-gaspillage pour une économie circulaire », autrement appelée  loi AGEC. Cette loi, visant à transformer nos modes de vie afin de tendre vers un modèle de société plus durable, sera progressivement mise en application dès janvier 2023. 

Pour favoriser le développement de l’économie circulaire, différents décrets ont été publiés depuis, tous dans un objectif d’accélération de la transition énergétique. Cette loi AGEC impacte donc forcément l’industrie du textile de plein fouet, et l’article 13 plus particulièrement.  

C’est dans ce contexte que Joséphine Bernardeau, Consultante en organisation et Management de Projets chez Projexion, est intervenue au sein d’un groupe de distribution regroupant différentes marques spécialistes de mode.

Elle revient dans cette interview sur le contexte de sa mission et sur les enjeux de cette loi sur le marché du textile déjà bien chamboulé ces dernières années par les nouvelles tendances et les comportements d’achats de consommateurs toujours plus exigeants et sensibles à leur impact sur l’environnement.

De ton point de vue,  quels sont les enjeux et les tendances sur le marché du textile ? 

Pour moi la grande tendance c’est sans aucun doute la sobriété ! Il faut produire mieux et en moins grande quantité: c’est-à-dire réduire les stocks et le nombre de collections, éviter la fast fashion, et viser des collections permanentes. Il faut également produire en moins grande quantité pour éviter le gaspillage, la vente sur des sites de déstockage ou parfois même la destruction.

Il y aussi une grande tendance liée à l’éco- conception de produits. Le textile est l’industrie la plus polluante de toutes. La prise de conscience est progressive ces dernières années. Jusqu’alors tout était très discret. Des plantations aux  procédés de fabrication des tissus, à leur teinte jusqu’à leur acheminement vers les centres de distribution: tout est energivore et l’impact pour la planète est clairement négatif.  Il faudrait produire plus près de chez nous, avec de nouvelles méthodes plus respectueuses de l’environnement. La production bas coût est devenue une généralité. Elle n’avait de sens que lorsque la surconsommation était au rendez-vous, mais la tendance s’inverse clairement et il est urgent de réagir! Pollution massive des sols, notamment avec la production de coton qui est très gourmande en eau, en pesticides ,… L’étape de la teinture est celle qui est la plus consommatrice d’eau par exemple. 

Le coût environnemental et le coût humain ne sont pas mesurés mais sont aujourd’hui indéniables. Les minimas sociaux, les horaires de travail, les conditions de travail ne sont pas toujours respectés. Les horaires et temps de travail sont parfois indécents dans des pays où il n’existe pas de minima sociaux et où la précarité et la pauvreté sont courantes. Les matières premières sont de basse qualité et leur impact sur la santé publique est parfois très négatif.

Il y a beaucoup de nouvelles réglementations liées à cette tendance de développement durable et de ce fait il devient nécessaire de se mettre en conformité. C’est une nouveauté dans le secteur du textile. Il faut à la fois s’adapter aux lois mais également accompagner les équipes au changement, en les sensibilisant au numérique responsable et en les formant notament.

C’est ainsi que depuis ces dernières années beaucoup d’initiatives RSE émergent dans le secteur du textile. Parallèlement, depuis le vote de la loi AGEC, il devient important de se mettre en conformité sur les différents aspects et notamment vis à vis de l’article 13, qui concerne tout particulièrement l’industrie du textile. 

Comment aborder ces enjeux dont la loi AGEC fait partie ? 

Je pense qu’il est tout d’abord important, voire indispensable de se tenir au courant, de faire de la veille sur les tendances, les évolutions du marché. Par ailleurs , il faut aussi faire un  benchmark des solutions existantes , rencontrer des éditeurs de logiciel et appréhender les différentes options qui s’offrent aux acteurs du textile pour éviter de subir la transition écologique. Etre proactif permettra de mesurer l’impact financier et les ressources nécessaires à la mise en œuvre pour ainsi rester compétitif sur un marché de plus en plus tendu.

Peux-tu nous donner le contexte de ta mission dans ce groupe de différentes marques de textile ?

Au démarrage j’étais BPO Supply (Business Process Owner), dans le secteur du textile, au sein d’un groupe de distribution représentant plusieurs marques spécialistes de mode. Ma mission consistait à travailler sur un PLM (Product Lifecycle Management), Centric Software. L’objectif était de créer de la cohésion et des process communs liés à l’outil entre les différentes marques composant le groupe. 

Le PLM est un outil très complet qui permet de partager avec tous les acteurs du groupement la gestion du cycle de vie produit (acheteurs, stylistes , modélistes,…) C’est un outil qui permet de partager autour de  la conception,de la fabrication, de la maintenance et de fin de vie d’un produit.

Ma mission s’est vite orientée vers un rôle de chef de projet RSE puisque l’on m’a demandé de proposer une solution pour intégrer les informations relatives aux “prefered fibers” dans le PLM. Il s’agit là d’un pan de la loi AGEC, loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, du 11 février 2020, qui vise la transition d’un modèle économique linéaire (« fabriquer, consommer, jeter ») vers un modèle circulaire

 

Recueil ressources sobriété numérique

En quoi consiste l’article 13 de la loi AGEC et quels sont les impacts pour le textile  ?

Cette loi AGEC concerne tous les acteurs du marché mais c’est plus particulièrement l’article 13 qui impacte le textile sur différents aspects. Les attendus de la loi AGEC couvrent différents chantiers :

  • Incorporation de matières recyclées
  • Traçabilité
  • Présence de microfibres plastiques
  • Recyclabilité
  • La présence de substances dangereuses 

Les exigences liées à la traçabilité, imposent notamment aux marques textiles de renseigner leur provenance, jusqu’aux fournisseurs de rang 3 (Rang 1 = confection; rang 2 = tissage ou tricotage; rang 3 = teinture ou impression) . Une des solutions privilégiée est le QR code à scanner ou pictogramme pour la traçabilité du produit.

L’objectif de mon intervention était d’introduire les informations de recyclabilité, de composition des matières dans le SI. A l’origine, nous cherchions un outil pour stocker les certificats légaux (scope certificate – audit de l’usine et transaction certificate – Certificat à la commande). Progressivement, l’idée de stocker ces informations dans le PLM pour utiliser l’existant et ne pas réinvestir dans une nouvelle solution a émergé.  C’était par ailleurs le seul outil commun du groupe (marques, bureau d’achat et fournisseurs). L’objectif étant que ce soit  les fournisseurs, ayant accès au PLM, qui renseigne ces informations. Il est notamment question de recueillir des certificats pour justifier la composition des vêtements.

En étudiant la loi AGEC,  j’ai rencontré beaucoup d’acteurs RSE de ce groupement de marques et nous nous sommes  retrouvé confronté à la réalité : beaucoup de réglementations entrent en vigueur à échéances plus ou moins lointaines dans le cadre de l’article 13 de la loi AGEC. Il est nécessaire de se mettre en conformité mais comment procéder ? Il n’est pas courant que l’industrie du  textile soit soumise à des réglementations, d’où la difficulté de se mettre en marche. 

La RSE, l’environnement, la sobriété sont des sujets qui m’intéressent  particulièrement et que j’ai donc pris plaisir à creuser dans ce contexte. J’ai donc étudié les solutions qui existaient sur le marché et interrogé d’autres acteurs du textile pour mieux comprendre leur façon d’appréhender ces problématiques de mise en conformité avec la loi AGEC.

 

Dans la plupart des cas, les acheteurs textiles connaissent uniquement leur fournisseur final (Rang 1) d’où la complexité de remonter aux fournisseurs précédents et d’en informer les consommateurs pour être conforme à la réglementation!

 

Quelles sont les clés pour y arriver, les tendances  ?

Dans mon contexte de mission,  je pense que l’important est de sensibiliser les fournisseurs, car la loi AGEC est une loi française pour le moment (elle sera applicable en Europe ultérieurement)ce qui pourrait éventuellement détériorer les relations avec nos fournisseurs. Effectivement, leur apporter des contraintes peut être un risque pour nos relations avec eux. Il était donc nécessaire de les accompagner, de créer une relation de confiance , de les former aux tenants et aboutissants de cette loi. Il était notamment envisagé de créer des Newsletters mensuelles pour informer sur le projet, la mise en conformité, les bénéfices attendus,…. Informer est indispensable pour fédérer et embarquer les fournisseurs dans ce contexte.

L’élément clé c’est la Data ! La collecte, le stockage . Il faut avoir une “data clean”. Malgré une solution performante il faut pouvoir avoir une gestion interne de la data efficiente. Depuis la collecte en passant par le stockage.

Nous avons identifié deux types de solutions pour entrer en conformité avec la loi AGEC: La première solution est automatisée, il s’agit de  la blockchain (Intelligence Artificielle qui vient lire et compléter automatiquement les informations relatives aux produits) , soit une solution humaine. La solution de la saisie humaine de ces informations aura de meilleurs impacts sur l’environnement et participera à créer de l’emploi, c’est donc celle que je préconise.

Par ailleurs, je pense qu’il faut se mettre en conformité progressivement sur ces sujets. Ne pas vouloir tout faire d’un coup mais au contraire procéder avec un MVP et s’améliorer progressivement. L’investissement peut paraître colossal mais le gain pour la planète, les hommes et la survie de l’entreprise est indiscutable.

La prise de conscience étant globale, les consommateurs de demain seront encore plus attentifs au respect des réglementations: il faut se mettre en marche dès aujourd’hui.

Quels conseils apporterais-tu à un chef de projet confronté à ce type de mise en conformité ? Quelles sont les difficultés que tu as pu rencontrer?

La première chose à faire est de se renseigner sur le contenu, les attendus dans le cadre de la mise en conformité. Il faut également réaliser un cadrage de projet qui comprendra un benchmark complet et une étude d’opportunité complète comme le nécessite tout projet. Analyse des objectifs, enjeux, périmètre, acteurs et parties prenantes, budget, planning : aucun élément n’est à négliger dans le cadre de projets réglementaires.

Il est de mon point de vue indispensable de se rapprocher d’homologues d’autres organisations pour chercher des retours d’expériences et des conseils lors de cette étude de cadrage.

Autre conseil: lors de l’étude des différents scénarios, il faudra étudier les solutions techniques proposées par le marché mais également étudier l’opportunité de s’appuyer sur une solution interne.

Il peut être opportun de penser à la mutualisation si l’acteur concerné par la mise en conformité appartient à un groupe.

 

Toujours se tenir au courant, faire de la veille sur la réglementation est indispensable pour être pro actif et ne pas subir la transition écologique.

 

Cette expérience a été bénéfique, une des difficultés est  la complexité de la loi et le fait qu’il faille trouver quels pans concernaient l’entreprise dans laquelle j’intervenais.

 

Et si on va plus loin ? Quelles sont de ton point de vue, les perspectives de ce marché en pleine mutation ?

Je pense que la 3D est une opportunité pour accélérer le time to market. Cela permettrait à terme, de vendre des produits avant leur production et ainsi de limiter les stocks et la surproduction. Dans un premier temps, la 3D participera à réduire le nombre d’échantillons physiques, en validant les produits sur 3D (process plus responsable et gain de temps). De plus, la 3D permet de n’avoir aucune perte de matière lors de la confection d’un produit puisque la validation des échantillons pourra se faire en 3D ce qui évitera les échantillons physiques qui ne sont jamais vendus.

Autre tendance en plein essor sur le marché du textile : les plateformes de seconde main. Des entreprises connues comme La redoute, Id Kids,  Balzac, Ba&sh, Maje, Jacadi, se sont lancées dans le concept de plateformes seconde main ou location de vêtements.

Parallèlement, les nouvelles techniques d’éco-conception de produits vont permettre de mieux respecter l’homme et l’environnement . Il s’agit de  créer des produits de façon plus respectueuse pour l’environnement et de façon innovante. Créer du cuir à partir de champignons par exemple! 

Il faut à mon sens privilégier une approche de la mode customer centric , c’est-à-dire vraiment se concentrer sur ce que veulent les clients de demain, en termes de qualité des produits, d’empreinte environnementale des produits, du service client, de la “réputation” de la marque. 

A titre d’exemple, les clients de la marque sont fiers de porter du Patagonia car la marque est engagée dans une démarche environnementale. 

Adhérer à un label comme BCorp ou entreprise à mission , devient de plus en plus courant.

 

Je trouve que l’avenir du textile se joue aujourd’hui, il faut se tenir au courant des innovations et ne pas hésiter à se tourner vers l’éco conception!

 

Parallèlement, différentes initiatives émergent, comme par exemple “Better Cotton” https://bettercotton.org/fr/. Leur mission est d’aider les communautés cotonnières à survivre et à prospérer, tout en protégeant et en restaurant l’environnement.

Comment Projexion peut accompagner les entreprises autour de ces problématiques de mise en conformité et de transition écologique ?

Nos consultants en organisation et management de projets peuvent vous accompagner dans le cadrage ou dans l’accompagnement de vos projets  de mise en conformité. 

Nous sommes également en mesure de proposer un accompagnement autour des problématiques liées à l’éco conception et à l’analyse du cycle de vie (ACV produit).

Les différents profils de nos consultants nous permettent d’adapter les dispositifs au contexte et problématiques de nos clients. 

Accompagner nos clients de façon plus durable et responsable dans leur transformation nous tient à cœur. N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez échanger autour de ces sujets qui nous animent au quotidien !

 

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