D’un démarrage projet compliqué à une réussite : comment rebondir et favoriser la réussite d’une mission qui a mal commencé?
Le démarrage d’un projet ou d’une mission n’est pas toujours évident pour un consultant, surtout quand le projet est déjà initié. Le lancement d’un projet qui permet de poser des bases solides, est parfois une étape à laquelle un consultant n’a pas la chance d’assister, il faut alors “prendre le train en marche” et faire preuve d’adaptabilité et de pragmatisme.
Johan Simon, Consultant chez Projexion et Manager de l’Offre Transverse revient dans cette interview sur une expérience de démarrage de mission compliquée.
Comment réagir et adapter une posture de consultant quand on embarque dans un projet dont les développements ont déjà commencé? Comment réagir lors d’un démarrage de mission compliqué ? Comment garantir la réussite d’un projet qui rencontre des difficultés en termes de délais, de coût ou de qualité? Johan partage ici quelques conseils et bonnes pratiques susceptibles d’intéresser tout chef de projet plus ou moins aguerri !
Peux-tu nous expliquer le contexte de la mission sur laquelle tu es intervenu?
Je suis intervenu récemment en tant que Product Owner Finance sur un projet lié à la détermination du taux de TVA dans le SI. Le cadrage du projet avait été effectué précédemment et les développements étaient en cours de finalisation. J’embarquais donc au moment du démarrage de la phase de tests. J’ai rapidement compris qu’il allait être compliqué d’embarquer « correctement » dans cette phase de projet. En effet, toute l’équipe projet avait la tête dans le guidon et peu de disponibilité pour m’accompagner dans mon intégration.
Pour me former et accélérer la montée en compétences, on m’a fourni l’ expression de besoin générale et les spécifications techniques du projet. Je ne connaissais pas l’outil et il m’a été difficile de prendre connaissance du sujet uniquement à partir de cette documentation. Nous avions convenu dès l’avant vente qu’une connaissance de l’outil n’était pas indispensable et que l’apprentissage de l’utilisation de l’ERP serait progressive.
Mon démarrage de mission a été effectué à distance lors de la crise sanitaire et du confinement. Tous les paramètres n’étaient donc pas propice à un démarrage serein.
Quelles sont les difficultés rencontrées dans le cadre de ce démarrage de mission ?
Le projet devait remettre à plat la détermination de TVA, être en règle avec les administrations fiscales des différents pays. Il y avait de fortes attentes des sponsors sur ce projet et des interactions avec les différentes BU de l’entreprise.
La première difficulté que j’ai rencontrée était liée à un manque de disponibilité de l’équipe métier et une documentation projet plus technique que fonctionnelle. En effet, l’expression de besoin détaillée et le cahier des charges du projet étaient manquants. J’ai donc dû contribuer à la rédaction de la stratégie de test et du cahier de test sans ces éléments. Pour compenser j’ai utilisé les spécifications techniques détaillées mais ne connaissant pas l’outil, la tâche n’a pas été évidente.
Au-delà de la montée en compétence sur le projet, l’environnement était complexe à différents niveaux: l’équipe au sein de laquelle je suis intervenue commençait à peine à poser une culture projet et un à se structurer pour le pilotage du portefeuille projets, la connaissance de l’ERP était nécessaire pour faciliter la compréhension de la problématique.
Je pense que le fait d’avoir eu un temps très court de passation au démarrage de ma mission est à l’origine de mes difficultés. Les autres Product Owner étant surchargés, ils n’ont pu m’accompagner au démarrage.
Par la suite, je me suis retrouvé en interaction avec les BU de l’entreprise mais la communication projet, n’ayant pas été effectuée en amont auprès de ces interlocuteurs, les échanges se sont avérés complexes.
J’avais à ce stade, un sentiment d’isolement et il me semblait nécessaire de prendre du recul pour renverser rapidement la tendance.
Pourquoi le démarrage de mission est une phase décisive pour un consultant ?
Le démarrage de mission est une phase importante pour tout consultant. Tout comme le démarrage d’un projet finalement. Il nécessite d’être bien cadré pour maximiser les chances de réussite par la suite. Il est indispensable d’analyser le contexte, de prendre connaissance de l’organisation et du SI, de l’antériorité du projet et de rentrer en contact avec les parties prenantes de la mission. Toute cette prise de connaissance du contexte est très énergivore mais c’est un passage obligé et nous sommes conscients, en tant que consultant, des bénéfices que tous ces efforts de contextualisation apporteront par la suite. Dans le cas présent, par manque de documentation et de disponibilité des équipes, cette phase a été réduite et c’est à mon sens l’origine de la complexité de ce démarrage.
L’intégration est un des facteurs clé de succès pour réussir un démarrage de mission. Cela parait évident mais il me semble important de le rappeler!
Comment as tu réussi à rattraper ce démarrage de projet compliqué? Quels sont les leviers qui t’ont permis de renverser la tendance ?
Suite à un point avec le manager, nous avons partagé la situation et identifié le plan d’actions à mettre en place. Les actions menées m’ont permis de progressivement reprendre confiance en moi et en ma capacité d’adaptabilité.
J’ai entamé un travail avec la référente métier sur le Module de formation pour accompagner le changement auprès des métiers de la comptabilité sur l’évolution de l’outil. C’est là que la documentation technique m’a de nouveau été indispensable et cette création de ce module m’a permis de mieux ’appréhender le projet de bout en bout.
Parallèlement j’ai choisi la persévérance et j’ai rédigé, avec la référente métier, une stratégie de test et un cahier de test à partir des spécifications techniques détaillées. Ce qui finalement et contre toute attente a été très bénéfique puisque le niveau de précision de ce dernier m’a permis de couvrir l’ensemble du périmètre fonctionnel de l’outil. Cette phase de préparation a été décisive dans le bon déroulement de mes tests par la suite.
Quelles sont selon toi les écueils à éviter quand on embarque sur un projet à la fois technique et déjà bien entamé?
Tout projet de transformation nécessite apport méthodologique et contexte. Il ne faut pas vouloir être trop pressé et impatient. En voulant être efficace et opérationnel dès le début sans phase d’appropriation, je me suis retrouvé dans une situation délicate puisque ma compréhension du sujet n’était pas suffisante pour rédiger un cahier de test qui couvre le périmètre fonctionnel du projet. Le périmètre n’ayant pas été testé de façon exhaustive, les métiers n’ont pas validé le résultat de la recette et nous avons risqué de décaler la mise en production avec des impacts forts sur les sous-projets associés.
Autre écueil à éviter : rester dans le silence en tentant de se sortir seul d’une situation complexe. Il faut savoir alerter pour éviter d’envenimer la situation! En alertant on se met en capacité d’analyser la situation et de mettre en place un plan d’actions adapté.
“Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin”
Quels conseils et bonnes pratiques apporterais-tu à un consultant qui se retrouverait dans la même posture ?
Et finalement j’ajouterai qu’il ne faut jamais baisser les bras! En conservant une attitude positive et constructive et en persévérant, on y arrive toujours. Tout problème a sa solution!
Pour sécuriser le démarrage d’un projet, je conseillerai à tout consultant en démarrage de mission ou à tout chef de projet de s’attacher à lire avec attention la documentation projet et la documentation propres aux outils utilisés dans le cadre de la mission/projet.
Autre élément sur lequel je souhaite insister : il est indispensable de soigner la communication et les échanges avec le métier ! Pendant la phase d’expression de besoin mais également pendant la phase de test qui est finalement décisive. Plus particulièrement je préconiserai de :
- Analyser les anomalies avec minutie
- Remonter les erreurs et les diagnostiquer avec le métier et les interlocuteurs adaptés
- Dérouler les tests avec quelqu’un qui a compris le process et qui maitrise le sujet (pour éviter d’oublier de tester la non-régression et pour être sûr de tester l’ensemble du périmètre)
- Expliquer au métier les anomalies
- Valider la non régression avec les métiers
Communiquer avec l’ensemble des interlocuteurs me semble également être indispensable. Il est nécessaire d’embarquer toutes les parties prenantes du projet pour favoriser l’adhésion au projet, l’appropriation de la cible et accompagner le changement.
En effet, une bonne couche de communication à la base m’aurait permis d’éviter les difficultés que j’ai pu rencontrer. Pour cela, voici d’autres conseils que j’apporterai à tout consultant ou chef de projet:
- Effectuer une analyse d’impact et une cartographie des parties prenantes => pour identifier ce qu’il faut communiquer, auprès de qui et quand .
- Sensibiliser le management et plus particulièrement le sponsor sur le caractère indispensable de la conduite du changement
- Communiquer à l’ensemble des parties prenantes du projet les impacts sur chacun d’eux et les embarquer dans le projet via l’étude de besoin, les tests, et en communiquant régulièrement sur l’avancée du projet
J’avais à cœur de terminer cette mission. Je ne voulais pas abandonner , il était indispensable pour moi de trouver comment me sortir de cette situation complexe. Au niveau du savoir être j’apporterai donc les conseils suivants :
- prendre du recul pour comprendre comment appréhender une situation complexe
- savoir garder son sang froid,
- garder confiance en soi et se donner les moyens de réussir
- demander l’appui du management , savoir alerter => se référer aux bonnes personnes pour cela
- donner de la visibilité sur la résolution de la problématique
- expliquer les difficultés rencontrées, le ressenti
- demander du renfort et anticiper
- planifier , communiquer auprès des équipes
L’accompagnement au changement est un chantier indispensable à tout projet qu’il serait risqué de négliger
Et si c’était à refaire ?
J’alerterai ma hiérarchie et mon commanditaire plus tôt , et j’insisterai davantage auprès de mon équipe sur le terrain pour comprendre. Rester sur une incompréhension est néfaste à la fois pour le projet mais également pour l’estime de soi.
Je m’assurerai également que la conduite du changement est un chantier pris au sérieux, et que le Sponsor et le management participent au déroulement du plan de communication du projet.
Je suis content d’avoir pu mener cette mission à bien et d’avoir assister à la mise en production et j’ai finalement poursuivi chez ce même client sur les autres projets de la backlog Finance.
La persévérance paie!
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