Création et développement d’une entreprise pionnière de l’économie de la fonctionnalité : témoignage

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L’économie de la fonctionnalité : « Vendre l’usage, pas le produit ! ». Derrière ce principe marquant, il existe un modèle économique, une démarche et des solutions pour se transformer. Chloé, consultante chez Projexion, nous partage dans cette interview son expérience de plusieurs années autour de la création et du développement d’une des entreprises pionnières de ce modèle.  

En introduction, pourrais-tu nous expliquer ce qu’est l’économie de fonctionnalité ? 

L’économie de la fonctionnalité fait partie de l’économie circulaire . Depuis la révolution industrielle, le modèle en place était principalement linéaire avec 4 étapes clés : l’extraction, la fabrication, la distribution et la consommation du produit. Sa fin de vie n’est pas considérée comme une étape à part entière. Le constat partagé est que ce modèle provoque un épuisement des ressources naturelles et entraîne des impacts à la fois en termes de pollution et d’émissions de CO2 mais également en termes de volume de déchets à gérer. 

Ce modèle linéaire, qui repose sur la recherche d’une production infinie avec des ressources limitées, arrive à bout de souffle aujourd’hui.

  La différence fondamentale entre l’économie linéaire et l’économie circulaire, c’est le rapport à la notion de déchet. C’est une nouvelle façon de penser la production et la consommation. Au sein de l’économie circulaire, l’économie de la fonctionnalité consiste ainsi à vendre l’usage du bien plutôt que le produit lui-même. Le modèle n’est pas unique car il englobe aussi bien la location de courte durée pour un week-end ou une semaine, que de moyenne ou longue durée de plusieurs mois à plusieurs années, voire la location avec option d’achat autrement nommée leasing.  

Pourquoi les retailers intègrent de plus en plus l’économie de la fonctionnalité dans leur trajectoire de transformation ?

Attention, si l’économie de la fonctionnalité concerne en particulier le secteur du retail , elle ne s’y limite pas ! De nombreuses entreprises, en particulier de grandes tailles, sont confrontées à des enjeux qui les obligent à se transformer. Les clients ne veulent plus subir les conséquences de l’obsolescence programmée et attendent toujours plus de transparence au niveau des marques. La demande évolue dans tous les secteurs économiques ! Les consommateurs sont sensibilisés… et ce sont ces mêmes consommateurs qui travaillent dans ces entreprises. La marque employeur est donc un levier du changement, avec de plus en plus de candidats et d’employés qui cherchent à travailler au sein d’organisations impliquées dans ces transformations. L’aspect législatif est aussi un moteur de transformation, avec par exemple la loi AGEC ou « loi anti-gaspillage » qui contraignent les sociétés à produire différemment. Plus globalement, le regard porté sur les entreprises évolue. Elles sont de plus en plus considérées comme responsables de leurs impacts envers la société, et attendues sur leur influence positive. Les entreprises à mission sont un bon exemple de ce cheminement. C’est l’image de marque qui est donc en jeu !   Rétrospectivement, dans le paysage français des années 60, un des premiers acteurs hors location de voitures est Locatel. Il proposait des équipements électroniques en location, qui à l’époque étaient assez coûteux. C’était une approche innovante, concentrée d’abord sur le BtoC, qu’il a ensuite ouvert vers le BtoB : hôtellerie, prisons… et également vers la moyenne et longue durée en complément des délais courts. Dans d’autres zones géographiques, comme en Amérique du Nord, le développement de l’économie circulaire a été plus rapide !  

Peux-tu nous partager les prémices de cette création de start-up dédiée à la location à laquelle tu as participé ? 

Peu ou aucun de business model centrés sur la location d’équipements électroménagers existaient déjà sur le marché français en 2009 ! Dans ce cadre, l’organisation que j’ai rejointe voulait diversifier les activités du Groupe et tester de nouveaux business model, afin de gagner de nouvelles parts de marché et se différencier. La mise en oeuvre a reposé sur la création d’une start-up, intégrée au groupe, autour du modèle de la location. Nous sommes partis de rien, et il a fallu tout construire : l’identité de la société, l’offre de services et de produits, le business model qui devait être rentable… Si nous avons débuté en tant que Pure Player digital , nous devions étudier également comment renforcer le modèle phygital et faire venir notre public en magasin. Comme les étudiants étaient la cible principale, l’équipe recrutée était avant tout constituée d’étudiants et de jeunes actifs ! J’ai ainsi rejoint l’aventure à son commencement.

En synthèse, l’activité de cette start-up était la location de moyenne et longue durée, de 6 à 60 mois, de produits électrodomestiques à destination du BtoC.

Quelles ont été les premières étapes pour développer le modèle et l’entreprise autour de l’économie de la fonctionnalité ? 

La première étape, c’était de bâtir autour de l’esquisse du projet ! A partir du cadre « la location d’équipements électroménagers pour le marché des étudiants »,  nous avons réalisé des études de marché : quelles étaient les opportunités sur le marché français ? Qu’est-ce que recherchaient les étudiants et dans quelle gamme tarifaire ? Qu’est-ce qui existait déjà au niveau de la location ? Nous avons ensuite construit le business model et tester les idées sur de premiers clients au travers d’échanges. Il fallait également préparer la création légale de l’entreprise ainsi que le plan marketing de lancement aussi bien au niveau de l’identité de la marque que des actions à mener pour accélérer rapidement. La 3ème étape a été la mise en place opérationnelle de l’équipe, des ressources et des financements, ainsi que l’initialisation de la stratégie de communication . Nous devions nous faire connaître !   Bien sûr le contexte sociétal, avec la nouvelle génération très portée sur l’usage a été un accélérateur. Cependant, dans la vie de notre entreprise, c’est en particulier l’évolution de la concurrence qui a créé des marqueurs. Nous étions en effet seuls sur le marché au départ. De nombreux acteurs ont, les années qui ont suivi, confronté leurs modèles économiques pour s’ouvrir sur l’économie de la fonctionnalité. De nouvelles offres de location de produits apparaissaient pour s’adapter aux besoins de la clientèle ! La complexification du marché avec l’arrivée de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles économiques nous a contraint à nous adapter au positionnement de la marque et à affiner les paramètres et indicateurs du business model. Comme le marché était en construction, les acteurs se suivaient de près : possibilité ou non de réduire ou de prolonger son abonnement, avec ou sans option d’achat, avec ou sans engagement, services supplémentaires… Qu’est ce qui était le minimum attendu par les clients en termes de services et ce qui était optionnel ? Il y avait une vraie volonté d’offrir toujours plus de flexibilité aux clients et de répondre à des besoins que l’on savait évolutifs !

Encore maintenant, c’est un mode de consommation fortement plébiscité par l’opinion publique mais toujours une activité récente et donc en forte évolution !

Recueil ressources sobriété numérique

Que peux-tu nous partager autour du business model de l’économie de la fonctionnalité ?

Avec la jeunesse de ce domaine, il n’existe pas de business model unique ou parfait. Cela engendre d’ailleurs des freins sur de nombreux aspects. Par exemple, le cadre juridique limité rendait difficile les procédures lorsque les clients ne payaient pas ou ne retournaient pas le produit à la fin de la durée de location. Intégrer le modèle au sein du groupe était également plus complexe !  Par ailleurs, dans le business model de l’économie de la fonctionnalité, le financement des produits est une brique essentielle. Il faut en effet anticiper que la mensualité met longtemps à amortir le coût du produit ; souvent entre 3 et 5 ans. Une trésorerie solide est ainsi essentielle. L’équilibre est également plus difficile à trouver et à optimiser car les facteurs sont plus diversifiés entre le financement, le sourcing et l’achat du produit et le serviciel : call center, livraison et installation du produit, SAV, assurance, reprise de l’ancien produit…   En complément, pour prendre du recul sur l’acte de contractualisation, nous avons dégagé trois motivations principales pour notre clientèle. Tout d’abord, une partie des clients percevait la location comme un modèle vertueux « Pourquoi acheter le produit quand nous pouvons le louer ? ». Ce public ambassadeur était déjà ancré par conviction sur l’approche par usage ! Pour cette clientèle, cette nouvelle activité a été un vecteur très fort d’engagement et de fidélisation. D’autres clients souhaitaient accéder à la location pour le panel large de services qui les soulageait de tout une partie des contraintes : « Pendant 3 ans je dispose du produit, je suis couvert en cas de souci, j’ai un accès rapide au SAV et à la fin de la période on me remplace l’équipement. ». La dernière audience regroupait les personnes présentes pour des raisons financières et qui ne voulaient pas débourser une somme d’argent importante en une fois.  

Au lancement, la société suscitait à la fois beaucoup de curiosité, comme l’activité était peu connue, et de la méfiance du grand public due à la méconnaissance du principe d’économie de la fonctionnalité.

 

Comment avez-vous réussi à embarquer l’équipe autour de ce projet ? 

La création et le développement d’une entreprise depuis une feuille blanche rendent impératives l’esprit d’équipe et la cohésion entre les différents services . Nous avons ainsi toujours prêté attention au collectif. Cette exigence s’est intégrée dans notre processus de recrutement afin que les personnes qui nous rejoignent adhèrent à nos convictions sur la location, à nos valeurs familiales, aient envie de participer au projet d’équipe… et soient très motivées car il fallait tout construire !

Une clé de succès ? Le fait d’y croire tous ! Nous avions la conviction que ce mode autour de l’économie de la fonctionnalité allait être plébiscité.

Dans le quotidien, comme dans beaucoup d’entreprises, les évènements internes de cohésion étaient nombreux. L’importance de développer cette dynamique collective impactait aussi le management. Les managers étaient responsabilisants dans les missions pour embarquer les collaborateurs et mettaient en avant la transversalité des rôles. Les premières années, nous avions internalisé la majorité des services : IT, logistique et SAV, relation et expérience client, marketing et communication, offre et produit, paiement et scoring, recouvrement amiable et contentieux ainsi que juridique. Les projets étaient plus agiles et les liens humains plus forts. Nous pouvions nous mettre autour d’une table, échanger, arbitrer et avancer rapidement ensuite !  Bien sûr, la société ne peut pas tout porter : il faut des points d’ancrage avec d’autres entreprises pour le sourcing des produits et la mise en service par exemple. Cette internalisation avait un retentissement positif en interne, et également en externe. Cela rassurait et apportait une excellente qualité de service, qui à leur tour a permis d’obtenir rapidement un taux de recommandations et de bouche à oreille record – plus de 90% ! 

En tant que précurseur, nous avons dû expérimenter : ne pas craindre de commencer petit, de tester des approches et de se forger peu à peu des convictions.

 

En quoi ton rôle de consultante au sein de Projexion est cohérent avec ce parcours passionnant dans l’économie de la fonctionnalité ?

Au sein du collectif Projexion, nous sommes convaincus que nos actions doivent participer à rendre les organisations plus durables et responsables . Notre métier est centré autour de l’accompagnement des projets de transformation de nos clients et nous pouvons ainsi avoir un impact fort dans nos missions. Intégrer le questionnement sur les critères de sobriété dans nos conseils, mener des missions autour de projets à impacts, accompagner nos clients dans la mise en place d’une feuille de route RSE : le périmètre est large. Et bien sûr, avec l’écosystème clients de Projexion dans lequel le secteur de la distribution a une part importante, mon expérience a tout son sens !

 

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