L’évolution des rôles et des missions autour de la donnée et leurs interactions dans les organisations

Quels sont les rôles et les missions data ?

Les entreprises font évoluer leur organisation pour mieux intégrer les enjeux croissants autour de la donnée. De nouvelles missions et rôles apparaissent et avec eux de nombreux intitulés de poste. Quels sont ces différents rôles et comment interagissent-ils ? A quoi faire attention quand on souhaite mettre en place des équipes autour de la donnée ?

Philippine, Quentin et Sandrine sont tous les trois des consultants ayant vécu des missions variées autour de la donnée. Ils nous partagent, chacun avec ses convictions, leurs points de vue sur ces rôles et leurs complémentarités.

Vous travaillez tous autour du thème de la donnée, pourriez-vous nous présenter rapidement vos rôles et missions ?

Philippine : Je suis actuellement chef de projet sur les repositories autour de la finance au sein d’un grand retailer et dans un contexte international. Je travaille sur les référentiels fournisseurs, taux de change… L’objectif est de passer de référentiels alimentés par les différents pays, mais pas exploités à des systèmes vraiment intégrés au sein du SI et qui apportent de la valeur aux utilisateurs.

L’outil est développé en interne avec un fonctionnement par API. C’est principalement du back-office sans interface intégrée. Il y a de gros enjeux de SI legacy, de connexion avec les différents applicatifs, ERP finance en tête, d’automatisation des flux de bout à bout… Dans un contexte multi-pays, avec un repository mono-instance, l’uniformisation des données est à la fois essentielle et très complexe !

 

Disposer de données de qualité, disponibles, consommables facilement par les utilisateurs, c’est un sujet qui parle maintenant à tout le monde !

 

Sandrine :  Pour ma part, je suis référente Stream Data au sein d’une banque en ligne. En pratique, je me définis plutôt comme étant chef de projet Data. J’interviens en premier lieu sur tout ce qui est lié au cycle de vie de la donnée, sachant qu’elle circule entre le système d’information du groupe et le système d’information France. Au quotidien, ce sont plein de questions : quels sont les déclencheurs, qui est maître de quoi, comment remonter les modifications entre les deux SI…  Ma deuxième mission est d’accompagner les métiers qui ont besoin d’acquérir et d’exploiter des données pour piloter leur activité. Il y a deux types de consommation. Certains métiers vont consommer uniquement des indicateurs, que je dois alors mettre à disposition dans un outil de data visualisation, tandis que d’autres, plus orientés sur l’analyse, vont construire eux-mêmes leurs KPI à partir de données brutes.

Quentin : Et moi, je suis Data Architect et également Data Governance Officer au sein d’un grand groupe de distribution.

Avec ma casquette de Data Architect, je travaille par exemple sur la modélisation et la circulation des données ou sur le data lineage et je fais le lien entre les architectes d’entreprise et les équipes IT. Avec mon rôle de Data Governance Officer, j’accompagne les métiers sur la définition du glossaire métier ainsi que sur la qualité des données au travers des règles, de la surveillance… Je suis garant que la gouvernance des données soit un sujet qui avance côté métier !

Le thème de la donnée est maintenant omniprésent dans les organisations. Pourriez-vous me donner les nouveaux rôles essentiels pour vous ?

Philippine : 

Dans mon rôle de chef de projet, j’ai avant tout rencontré et perçu l’intérêt des Data Stewards, Data Architects et de la cellule de Data Quality. J’ai également travaillé avec des data managers, chacun rattaché à un pays, qui font le lien entre les différentes localisations.

 

Certains postes existent depuis plusieurs années, et d’autres sont en train de se construire comme les data managers : l’organisation autour de la donnée évolue sans cesse !

 

Sandrine : 

Je rejoins Philippine sur les rôles clés, même si les périmètres des postes varient chez mon client. Le Data Steward va capter les besoins du métier et c’est également lui qui modélise, crée les objets métiers, fait le lien avec l’architecte data et la partie applicative. Les enjeux de qualité des données avec des rôles de garants sont aussi une brique centrale. J’interagis également avec des rôles de Data Delivery qui vont mettre la donnée à disposition des métiers dans les outils de data visualisation. L’utilisateur va ainsi venir piocher l’indicateur et l’intégrer à son tableau de bord. 

Un rôle qui a manqué dans de précédentes missions, c’est justement le chef de projet data que j’occupe actuellement. 

 

Aligner les différents points de vue, créer les interactions, organiser, timer tous les travaux… requiert un chef d’orchestre ! Dans le cas contraire, les sujets datas sont souvent appréhendés à la dernière minute.

 

Quentin :

Pour moi, le Data Architect n’est pas un nouveau poste : il est clé, mais existe depuis longtemps. Un changement important que je perçois, c’est l’arrivée des data stewards, pour lesquels je distingue deux types.

Le plus connu est le data steward avec une casquette IT qui vient du monde du big data, des bases de données et dispose d’une approche plus technique. L’autre poste qui devient, de mon point de vue, essentiel dans les projets c’est le Business Data Steward. Il a une expertise métier, et connait par exemple les process de référencement de produits, de réapprovisionnement en magasins… Il va intervenir sur le glossaire métier et la qualité de donnée. Garant des données sur son champ d’actions, il connaît le vocabulaire et les process métier. Il peut ainsi donner des instructions précises pour le reporting et pour définir des règles de qualité adaptées.

J’ajouterai aussi le rôle de data owner, parfois appelé data manager. C’est également une fonction métier plus qu’IT ! Propriétaire d’un ensemble de données sur un périmètre précis, il est décisionnaire, juge et a un rôle d’autorité sur la donnée et les actions sur son domaine. Le terme de « business data owner » exprime d’ailleurs mieux sa mission.

Il y a bien sûr de nombreuses autres missions autour de la gouvernance avec les CDO et le Data Governance Officer qui n’était pas toujours présent par le passé. Et je ne rentrerai pas dans tous les rôles de Data Scientist, Data Engineer… que je côtoie moins dans mes missions.

Comment tous ces rôles autour de la data interagissent-ils entre eux ?

Sandrine : 

Il faut déjà bien s’accorder sur ce qu’on met derrière chaque intitulé ! Parfois, les personnes qui ont ces rôles dans la pratique, n’en n’ont pas l’intitulé, dans d’autres cas, ils ont le titre, mais ne savent pas ce qu’on attend d’eux dans la pratique… Cet alignement en interne sur l’organisation et les périmètres de chacun est la première étape !

En tant que consultant, dès qu’on commence une mission orientée autour de la data, on essaie systématiquement d’identifier les business data stewards et les business data owners pour cartographier les personnes clés. Ce ne sont souvent pas des postes à part entière, même si maintenant, je vois des offres d’emploi autour de ces missions.

Quentin :

Ma conviction, c’est que la data doit réintégrer les métiers. C’est le métier qui manipule et qui est responsable de la donnée. Les services IT les supportent pour mieux les utiliser et les exploiter. Data n’est pas synonyme d’IT !

Si on identifie avec du recul les différentes parties prenantes, il y a tout d’abord l’exécutif avec les leaders et les sponsors. Ce sont eux qui sont challengés sur la data lorsque l’entreprise se transforme, et ce sont eux qui impulseront le changement au sein des équipes.

Ensuite, le Business Data Owner est le manager d’un ensemble d’experts métiers qu’il va impliquer sur le sujet de la data. Quels problèmes de qualité sont prioritaires ? Quels sont les objectifs à atteindre ? Quel est le plan d’actions ? Il va identifier les besoins, cadrer les projets et être le relais des instructions de la direction.

Le Business Data Steward gère quant à lui la donnée de manière opérationnelle. Il réalise les actions, définit la donnée, détermine les KPIs… en agissant lui-même ou en s’appuyant sur les sachants afin de construire un glossaire métier le plus complet possible et assurer le niveau de qualité adéquat. Dans un contexte international, il rencontre encore plus cet enjeu d’aller récolter les informations. Dans de nombreux cas, il donne déjà un premier « tampon », en complément de la validation du Business Owner. 

Puis on rentre dans la facette IT qui est transverse à l’entreprise. Les architectes d’entreprise et architectes IT ont alors souvent un rôle de lien entre les métiers et les services informatiques.

 

Il y a ainsi une facette Data et une facette IT dans ce cycle. Cette séparation est essentielle pour moi, car la donnée doit être portée en premier lieu par le métier. L’implémentation par l’IT est mise en œuvre à partir de leurs entrants.

 

Philippine :

C’est aussi une évidence pour moi que c’est au métier de prendre la main sur la donnée ! Il y a un biais dans beaucoup d’entreprises où on associe immédiatement Données et IT. Si le développement des technologies de l’information a été un formidable accélérateur pour créer et valoriser le « capital données », les entreprises géraient des données, des connaissances, de l’information bien avant l’invention de l’informatique !  Il faut différencier le concept de donnée avec sa valeur métier, et la gestion des flux au sein du SI ou le stockage de l’information.

Au-delà de la mise en place d’une équipe autour des enjeux data, que faut-il intégrer et anticiper dans la réflexion pour faire évoluer l’entreprise sur ces sujets ? 

Sandrine :

Les personnes qui ont un rôle lié à la donnée doivent être intégrées dès le début des projets et pas uniquement quand on commence à se poser des questions sur la gestion des données. C’est aussi une question d’état d’esprit : quand on exprime un besoin, il faut aussi le penser en termes de données. De quoi ai-je besoin ? Sous quelle forme ? Pour en faire quoi ?

Philippine :

La principale difficulté à anticiper, c’est la capacité à travailler de manière transversale. Il y a un intérêt fort à disposer d’une cellule data indépendante des projets pour assurer la cohérence entre les applicatifs. Une donnée ne doit pas être pensée uniquement en fonction des besoins exprimés sur un projet. Elle va potentiellement être utilisée à travers toute l’entreprise !

Quentin :

Oui, mettre en place une organisation autour de la donnée ne peut pas aller sans une gouvernance transversale. Elle ne peut pas non plus se passer de l’implication des leaders. Dans mes missions, tant que le sujet data était poussé par les équipes IT, il était très difficile d’embarquer les métiers et de faire changer les méthodes de travail. 

 

Une fois que la direction s’est emparée du sujet et a défini des objectifs, tout s’est accéléré comme par magie ! De réfractaires, les métiers sont devenus moteurs.

 

Trouver les aspérités qui vont intéresser les métiers fait aussi partie de notre rôle pour faire grandir la culture data de l’entreprise. Ils sont généralement beaucoup plus intéressés par l’enjeu de qualité de leurs données que par la formalisation du dictionnaire de données.

Dans une organisation qui souhaite mettre en place ou restructurer ses équipes Data, quels conseils pourriez-vous partager ? Quels rôles gagnent à être externalisés ?

Sandrine : 

Bien qu’étant consultante, je suis loin de défendre l’externalisation systématique de ces postes.  Leur efficacité dépend de la connaissance du legacy, du modèle de l’entreprise, de nombreux éléments opérationnels… Ce sont donc des missions complexes à externaliser.

Cependant, cela peut aussi être un atout. Quand on parle de data et que l’on vient de l’extérieur, et encore plus d’un autre secteur, on va demander à être précis, à sortir du superficiel. Et souvent, cela permet de soulever des problèmes internes : entre deux personnes de la même équipe, on se rend compte que sur un même intitulé elles ne mettaient pas la même définition !

Philippine :

Il faut en effet bien cibler où cela peut apporter de la valeur, pour l’organisation, d’externaliser. Le chef de projet transverse, qui va faire le lien entre les différentes équipes est un bon exemple. Une personne externe a pour moi toute sa place afin de faire réfléchir, anticiper, faire évoluer… C’est un bon moyen de ne pas uniquement suivre les étapes habituelles et de prendre un peu de hauteur !

Dans ma mission, les intervenants externes autour de la data sont nombreux, mais avec un leader en interne, le Data Owner. De mon point de vue, ce dernier a plus vocation à être un poste internalisé puisqu’il est responsable de la donnée sur son périmètre métier. 

Une fois prise en compte la complexité dont parle Sandrine, le Data Steward peut être externe, en particulier lorsqu’il a déjà eu ce rôle dans d’autres entreprises analogues. Les objets métiers restent similaires et il peut apporter des idées nouvelles et ses retours d’expérience. Et puis, savoir s’adapter et appréhender rapidement l’existant, c’est le quotidien du consultant…

Quentin :

Oui, la clé du succès du Business Data Steward, c’est la connaissance des processus métier. Quand tu as connu des fonctionnements dans des environnements différents, cela peut être très enrichissant pour l’entreprise.

 

Le Data Steward n’a pas vocation à rester dans un carcan !  Tout comme les architectes d’entreprise construisent une cible, c’est aussi le rôle du Data Steward de faire évoluer les modèles et les règles.

 

Sur le sujet de la gouvernance des données, un Data Gouvernance Officer externe va apporter des méthodes, de la structure, des outils et des retours d’expérience qu’il aura capitalisés dans ses différentes missions.  Il arrive ainsi avec de nouveaux angles de vue, il peut partager des idées qui ont fonctionné ailleurs, comparer…

Chez Projexion, c’est un bon exemple des missions sur lesquelles nous pouvons intervenir en accompagnement et en conseil. Quelles sont les clés pour mettre en place, animer la gouvernance ? Comment améliorer les processus métier ? 

Partager au sein de Projexion avec le collectif qui est aussi constitué d’architectes d’entreprise, de formateurs ou de consultants en accompagnement au changement nous permet de prendre du recul sur ces rôles et enjeux autour de la donnée !

Quelles convictions voudriez-vous partager pour conclure ? 

Sandrine :

La data est l’affaire de tous. Quand on parle donnée, on parle métier, business. Cela ne se résume pas aux champs d’une table ! Les métiers ont souvent pris l’habitude de rentrer dans le cadre d’évidence de l’IT et de penser en termes de tables, de bases de données, de champs… Il faut se réapproprier la vision métier sur ce sujet, et aussi anticiper comment je vais devoir travailler demain !

Il y a donc également un enjeu d’accompagnement au changement et de coaching des dirigeants dont nous sommes convaincus chez Projexion et sur lequel nous intervenons. 

Philippine :

Pour ma part, c’est l’approche transverse qui me tient à cœur ! La donnée circule dans tous les systèmes, toutes les applications, toutes les équipes. Par définition, la data est un sujet transverse. Comment faire le lien entre ces métiers ? Comment ne pas répondre aux besoins d’un seul projet, mais bien penser à l’intérêt de l’entreprise ? Il faut sortir du prisme lié à un seul service et anticiper les contraintes des autres équipes. Cette coordination est le seul moyen d’appréhender le cycle de la donnée de bout en bout.

Pris partiellement, l’enjeu de la donnée ne peut pas être traité efficacement. La finance arrive par exemple en bout de chaîne en tant que consommateur de la donnée. S’il n’y a aucun contrôle de la donnée en amont, cela soulève de gros défis de qualité en bout de chaîne… qui peuvent par exemple empêcher de payer son fournisseur ou rendre les KPI inutilisables !

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