Animer une formation : de la séance à l’expérience de formation
C’est une période de transformation pour la formation : réforme de la formation professionnelle, montée en puissance de l’e-learning et bien sûr la crise sanitaire qui va obliger les organismes de formation à repenser les formats et les modalités. Les attentes des apprenants en termes d’expériences évoluent en profondeur.
Dans cette interview, Mathieu Salgado, consultant et formateur chez Projexion, nous présente ses convictions sur ce qui permet de vivre une « expérience de formation ».
Qu’est-ce qui a évolué dans l’ingénierie de formation et l’ingénierie pédagogique ces dernières années ?
J’observe tout d’abord une vague de professionnalisation de la formation. On ne s’invente plus formateur ! La réforme de la formation va dans ce sens. Même si certains processus sont assez lourds : audits des organismes de formation, définition des templates, des conventions, des évaluations…, cette facette administrative oblige les organismes à se professionnaliser. Ils doivent aussi monter en expertise et être reconnus pour la qualité des formations s’ils veulent se différencier.
La deuxième transformation que je note est la personnalisation des formations. Il est toujours possible d’avoir des formations « sur étagères », mais les entreprises recherchent de plus en plus que celles-ci soient appliquées à leur contexte spécifique : « Ce parcours de formation en gestion de projet est intéressant, pourriez-vous utiliser nos modèles et vous appuyer sur nos projets internes ? ». Les formations sur étagères sont plus utilisées pour des formations d’exploration et de découvertes ainsi que pour les formations inter-entreprises où les stagiaires sont à la recherche de débats. Pour les formations intra-entreprises, c’est la personnalisation de la formation et son applicabilité dans les cas concrets de l’entreprise qui sont attendues.
Pour toi, la différence entre séance de formation et expérience de formation est fondamentale. Comment définirais-tu l’un et l’autre ?
Une simple séance de formation peut être suivie en autonomie. Son objectif est d’acquérir des connaissances et de se forger des convictions. C’est avant tout un mécanisme d’apprentissage.
L’expérience de formation est un vécu. Elle va apporter des bénéfices au-delà de l’apprentissage théorique. Elle se bâtit sur les cas pratiques, les retours d’expérience, les confrontations… C’est-à-dire tout ce qui permet de faire vivre cette expérience de formation aux apprenants et les mettre dans une dynamique !
Je peux partager une anecdote à ce propos. Lors d’une formation autour de la gestion de projets, les stagiaires étaient tous des consultants projets avec déjà une expérience conséquente. J’avais donc une certaine appréhension sur la valeur que j’allais pouvoir apporter… Les retours en fin de séance ont été finalement très positifs, à la fois sur certains apports de fond, mais aussi et surtout sur les retours d’expérience pratiques. Comment utiliser la Matrice Eisenhower dans ce cas concret ? Comment chacun se projette dans l’application de ce principe théorique ?
C’est le lien avec le vécu de chacun qui crée une vraie mise en mouvement des stagiaires. Ils veulent avant tout sortir de la formation en sachant comment mettre les connaissances acquises en application dans leurs propres projets !
Quelles sont les bonnes pratiques qui « font » l’expérience, que tu peux partager ?
Mon premier crédo est de faire se rejoindre théorie et pratique. Je suis convaincu qu’il faut mettre les apprenants dans une dynamique : pitch projet, management visuel, storytelling… tout doit être l’occasion de vivre et pratiquer les savoirs.
Pendant certaines formations, des étudiants se sont vraiment révélés lors de la mise en pratique. Personnellement ce sont ces émotions qui me font aimer mon métier de formateur !
Je commence ainsi mes formations en racontant une histoire vécue. Les participants vont faire des rapprochements, des parallèles et cela ouvre le débat. Je me souviendrai toujours d’une formation sur la communication projet. Nous commencions tout juste à partager les attentes sur la formation, et un étudiant m’interpelle en me disant qu’il espère que je serai meilleur que les formateurs de la journée précédente… J’ai poursuivi avec mes anecdotes professionnelles, et j’ai tout de suite senti que le climat avait changé.
Les ateliers en sous-groupes sont aussi une des clés de l’expérience. À la suite de chaque activité, une synthèse est faite en plénière avec un porte-parole différent. Je leur demande souvent de prendre comme exemple un de leurs projets. L’objectif est de créer une émulation entre les participants pour les faire débattre, confronter les points de vue. Les jeux pour faire connaissance comme les icebreakers et les energizers ont aussi un vrai rôle à jouer pour dynamiser le groupe et casser les barrières, tout comme le management visuel.
Le ressenti du formateur est essentiel. Ce n’est pas qu’une méthodologie à dérouler ! Il faut sentir comment les gens fonctionnent et chercher la valeur que chacun peut apporter.
J’ai un exemple à partager à ce propos. Lors d’une formation à la gestion de projet chez un spécialiste du crédit et du financement, l’une des stagiaires, avec un profil finance, était venue un peu contrainte et forcée. Elle s’est transformée en fin de formation lors de son storytelling projet. L’exercice lui avait permis de concrétiser ce qu’était la gestion de projet et comment l’appliquer dans son cas. J’ai été vraiment touché.
Même en tant que formateur, nous vivions à chaque fois une expérience de formation. L’expérience ne peut pas être vécue de manière isolée ! C’est l’émulation et l’énergie du groupe qui sont les déclencheurs.
Comment adapter l’ingénierie de formation à chaque public ?
Bien sûr il faut s’adapter à chaque public. Le préambule à toute formation est de recueillir les attentes de stagiaires.
La distinction principale repose sur les formations inter-entreprise et intra-entreprise. Lors d’une formation intra-entreprise, le formateur va rechercher l’alignement entre les participants. Les stagiaires se connaissent, et il faut souvent prendre en compte les enjeux de politique interne et les conflits potentiels.
En inter-entreprise, le contexte pour créer l’expérience est différent. J’ai la conviction qu’il faut miser sur les différences. Suivant les attentes et les profils, il faut anticiper les liens pour créer l’alchimie entre les participants. Nous avons alors un rôle de catalyseur !
Le contexte est aussi différent entre le monde de l’entreprise et la sphère étudiante. Les étudiants voient avant tout dans le formateur un professionnel. C’est-à-dire quelqu’un à même de faire réatterrir le monde scolaire dans la pratique. C’est quand nous sommes capables d’expliquer, au travers d’exemples, que dans la vie professionnelle cette méthode théorique se met en application de telle façon ou est parfois inapplicable… que les étudiants trouvent la valeur !
La professionnalisation de la formation, c’est à la fois la professionnalisation des organismes, mais aussi la capacité du formateur à rattacher la formation au domaine professionnel !
Comment élabores-tu les parcours de formation ?
Chez Projexion, ce sont les consultants habités par le plaisir de partager leurs convictions qui portent les programmes de formation. Nous nous retrouvons une journée autour d’une table pour recenser et définir les RETEX et les convictions que Projexion peut véhiculer.
Ensuite nous travaillons les différentes briques. Le socle théorique bien sûr. L’ingénierie pédagogique vient ensuite avec le fil rouge, comment commencer la formation, quelles activités mettre en place… Pour finir nous réfléchissons à la meilleure manière d’animer pour créer la dynamique et l’émulation.
Mais chez Projexion les parcours de formation ne sont pas gravés dans le marbre ! Nous sommes une entreprise apprenante, et nos formations sont toujours en mouvement afin de les bonifier selon les retours des stagiaires.
Si on ne devait retenir que deux points sur ta vision de la formation ?
Une formation réussie, c’est une formation qui fait vivre une expérience à l’apprenant. Il faut rechercher à provoquer de l’émotion, qu’elle soit négative ou positive. Les confrontations de points de vue entre apprenants mais aussi avec le formateur ne doivent pas faire peur, au contraire ! Ne pas être d’accord, c’est nourrir le débat, et cela participe à créer le microcosme d’échanges.
Dérouler sa formation et être réactif par rapport aux questions ne suffit pas pour créer l’expérience. Le formateur doit y croire, être en mouvement, amener les échanges !
Je finirai sur une conviction. Pour moi, l’avenir de la formation passera par le blended learning. Ni 100% physique, ni 100% digital, c’est le format de demain. Le formateur peut développer de nouveaux formats plus courts et ludiques, renforcer l’accompagnement tout en conservant des échanges présentiels, indispensables pour l’expérience. Cela fait partie des sujets auxquels nous croyons chez Projexion et sur lesquels nous sommes en mouvement !
Consultant en organisation
management de projets
Projexion est un cabinet de conseil en accompagnement au changement qui met à disposition un « collectif d’expertises » pour vous transmettre nos convictions et nos méthodes et participer à votre montée en compétences.
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