Comment réussir la mise en place de votre nouvelle organisation et créer l’adhésion ?

Retours d'expérience
Démarche mise en oeuvre nouvelle organisation

Dans les phases amont d’une transformation organisationnelle, l’entreprise a clarifié le « pourquoi », posé un design d’organisation (rôles, instances, décisions), anticipé le chemin social (CSE, information/consultation) ainsi que la dimension RH (staffing, plan de développement des compétences…). Cependant, l’aboutissement de cette transformation ne s’arrête pas à l’annonce de la nouvelle organisation !

La frontière entre conception et mise en œuvre de l’organisation est souvent poreuse : certaines briques (RACI, fonctionnement des instances…)  gagnent à être préparées avant le GO mais se stabilisent généralement en tout début de mise en œuvre. Dans tous les cas, cette phase de mise en œuvre revêt des enjeux spécifiques et elle est centrale pour l’adoption et la performance de la nouvelle organisation  ! 

Nous accueillons dans cette interview Paul, consultant en organisation et accompagnement au changement qui nous partage ses conseils et ses retours d’expérience pour réussir cette phase essentielle de mise en œuvre.

Quels sont, selon toi, les enjeux portés par la phase de mise en œuvre d’une nouvelle organisation ?

Trois enjeux se superposent et doivent être traités en parallèle :

  • Le sens : le 1er objectif est tout le monde comprenne pourquoi et comment l’organisation sert le projet stratégique.
  • L’adoption au niveau des équipes : chacun doit identifier son rôle, ses interfaces et ses rituels de travail. C’est là que surgissent les risques d’oublis réels (un sujet ou un acteur oublié dans le design), ou perçus (l’information existe, mais n’a pas été comprise ou relayée).
  • Le vécu individuel : “Et moi dans tout ça ?”. Chaque collaborateur cherche sa place : responsabilités, marges de manœuvre, nouvelles attentes. Ici, le management de proximité est clé : il doit être embarqué tôt, outillé et soutenu pour relayer les messages, conduire les entretiens et traiter les situations sensibles.

Sur ces 3 enjeux, quand les processus sont clairs et documentés, la bascule est plus facile à expliquer et matérialiser : cela permet de travailler par écarts — avant / après, points de décision, nouveaux interlocuteurs, ajustements de RACI. 

Cependant, soyons lucides : ce n’est pas toujours le cas ! L’animation d’ateliers avec chaque équipe, en co-animation avec le manager, aide alors à reposer les éléments fondamentaux en lien avec la nouvelle organisation : la raison d’être de l’équipe, les missions, les parties prenantes et les modes de fonctionnement. Pour les équipes nouvellement constituées, nous pouvons aller jusqu’aux ajustements pratiques (télétravail, astreintes, validation des congés…).

Comment passer de la définition de l’organisation cible au plan d’actions pour soutenir sa mise en œuvre ?

Concrètement, cela commence par l’alignement sur une date de lancement, le moment où l’on bascule dans la nouvelle organisation. Certaines entreprises choisissent un big bang, avec tout le monde qui bascule en même temps, d’autres préfèrent une approche progressive, par périmètres. L’idéal, c’est quand la volonté de la Direction sur le calendrier s’aligne avec l’expérience du chef de projet organisation. La Direction fixe souvent une cible en fonction d’enjeux stratégiques, mais c’est au chef de projet organisation, avec son retour d’expérience, d’objectiver le temps réellement nécessaire. C’est une discussion clé qui permet d’anticiper les risques et de calibrer l’effort.

Ensuite, le plan de mise en œuvre recouvre une multitude d’aspects très concrets. Le plan de communication est bien sûr une facette très importante au regard des enjeux de compréhension et d’adoption. Elle n’est cependant pas la seule ! 

Nous retrouvons la partie RH : nouveaux contrats, avenants, rendez-vous individuels. Il y a également la partie logistique avec par exemple des déménagements de locaux qui sont un moyen efficace de matérialiser le changement d’organisation pour les collaborateurs. Il y a aussi tous les sujets de montée en compétences et de formation quand de nouveaux postes ou de nouvelles responsabilités apparaissent. La brique IT est aussi à intégrer : droits d’accès, répertoires partagés, paramétrage des outils, parfois la formalisation des nouveaux workflows. Et puis, il y a ces détails qui paraissent parfois triviaux mais qui peuvent bloquer le quotidien si on ne les a pas anticipés, comme la validation des congés ou la gestion des astreintes.

Ce plan se prépare ainsi dans une logique de projet, avec un rétroplanning et des streams dédiés : RH, management, compétences, IT, communication, locaux. Chaque stream identifie ses actions, ses jalons et ses dépendances. C’est dans le travail préparatoire de cadrage projet, mené entre la fin de la conception et le début de la mise en œuvre, que sont listés tous les éléments à anticiper sur chaque périmètre.

Boite à outils conduite du changement

Quel est le livrable associé à ce plan et quel rôle du chef de projet organisation ?

Le livrable central, c’est un rétroplanning intégrant toutes les dimensions. Chaque stream – RH, management, compétences, IT, communication, locaux – a ses jalons, ses actions, ses responsables. C’est ce document qui permet de piloter concrètement la mise en œuvre et de s’assurer que rien ne passe entre les mailles du filet.

Cependant, réduire le rôle du chef de projet organisation à un gestionnaire de planning est une erreur. Son rôle est celui d’un chef d’orchestre et d’un accompagnateur. Il coordonne, arbitre, cadence et est aussi facilitateur du changement. Dans les ateliers, il crée les conditions pour que les collaborateurs puissent s’exprimer, faire remonter des risques non identifiés, partager leurs inquiétudes, se projeter dans la nouvelle organisation. Ce sont souvent des moments de déclic, où chacun retrouve du sens et voit la valeur de sa contribution.

Dans les missions que j’ai menées, je portais à la fois la direction de projet et cette dimension de facilitation et d’accompagnement. Cela suppose un vrai partenariat avec les RH et le management, un maillage serré pour que tout le monde anticipe correctement les impacts et l’accompagnement nécessaire.

Ce qui rend ce rôle de chef de projet organisation passionnant, c’est justement cette double exigence : d’un côté, la rigueur méthodologique et la capacité à anticiper ; de l’autre, l’écoute, l’empathie et la compréhension des dynamiques humaines. Dans des projets de très grande ampleur, le rôle peut bien sûr être porté par une équipe qui regroupe ces compétences, mais l’équilibre reste le même : méthode et anticipation d’un côté, psychologie et accompagnement de l’autre.

Un bon accompagnement au changement doit reposer sur ces deux jambes : la méthodologie projet et l’empathie !

La communication et l’annonce officielle sont souvent des étapes clés : comment créer l’adhésion ? 

En réalité, il n’y a pas une annonce mais plusieurs. La première, c’est celle qui dit : “nous allons nous réorganiser”. Elle vient généralement de la Direction générale, parfois couplée à la présentation de nouveaux axes stratégiques. Ensuite, il y a l’annonce du comment : ce qui va se passer, les étapes, le calendrier. Puis vient l’annonce de la nouvelle organisation elle-même, qui est souvent progressive. Et enfin, l’annonce du staffing, qui peut être décorrélée dans le temps. Cette séquence doit être pensée très finement, car l’écart entre l’annonce d’un organigramme et celle des affectations individuelles est un moment propice aux spéculations. Le kick-off est aussi une séquence clé du plan de communication.

Ma conviction, c’est qu’une annonce ne peut pas se résumer à un mail ou une slide envoyée à tous. Il faut privilégier la rencontre, la parole incarnée !

Une plénière d’entreprise est souvent un bon point de départ pour donner la philosophie générale, partager le sens, montrer l’unité du projet. Ensuite, les prises de parole par direction permettent de descendre dans le détail. Et enfin, les réunions d’équipes, où le manager de proximité prend le relais, sont le moment clé pour répondre aux questions, accueillir les réactions à chaud et rassurer. C’est pourquoi il est indispensable d’avoir préparé et outillé ces managers en amont.

Évidemment, cela n’empêche pas de compléter par une communication plus formelle, qui sert de référence : newsletter projet, points d’étape, synthèses des décisions. Mais pour moi, ces supports ne doivent pas être le canal principal. Ils viennent en renfort. Le vrai vecteur d’adhésion, c’est l’échange direct, l’oral, la possibilité de poser des questions et de sentir que la parole circule.

Dans une nouvelle organisation, il y a toujours des personnes qui se sentent “gagnantes” et d’autres qui se sentent “perdantes”. Les RH et les managers doivent anticiper ces situations et échanger en amont avec les collaborateurs les plus exposés.

Télécharger notre plan de communication

Changer l’organisation impacte aussi la culture d’entreprise, comment cette évolution de la culture organisationnelle est-elle prise en compte ?

Dans quasiment toutes les missions de réorganisation que j’ai accompagnées, l’enjeu d’efficacité opérationnelle est sous-jacent. Derrière ce mot, on parle d’alléger les processus, de fluidifier les interactions, mais aussi d’attendre de chacun davantage de proactivité et d’investissement. Et ça, ce n’est pas quelque chose qui se décrète ! Une nouvelle organisation ne crée pas spontanément une nouvelle culture : elle peut l’encourager, la faciliter, mais elle doit être accompagnée.

C’est pour ça que j’insiste toujours sur la dimension culturelle. Quand on demande aux collaborateurs de se positionner davantage en business partner, de prendre plus d’initiatives ou d’adopter de nouvelles postures, il faut construire un cadre pour que cela puisse exister réellement. 

Très souvent, ces projets sont donc aussi l’occasion de revisiter la culture managériale. On cherche à sortir d’un modèle de manager “expert” pour aller vers un manager qui joue un rôle de coach, qui accompagne la montée en compétences de son équipe. C’est aussi le moment de reposer des ratios managers/managés qui font sens et qui permettent au manager d’exercer pleinement ce rôle.

Lors d’une mission récente, la réorganisation s’est accompagnée d’un véritable plan de développement managérial. Nous avons travaillé à redéfinir clairement les attendus vis-à-vis des managers et à outiller cette transformation culturelle. Le schéma d’organisation donnait le cadre, mais c’est cette évolution managériale qui a permis de lui donner de la profondeur et de l’élan !

Comment piloter et mesurer les impacts d’une réorganisation ? Quand et comment ajuster la trajectoire en conséquence ?

Une organisation est un moyen au service de la stratégie de l’entreprise. C’est pour ça que, dès la conception, il faut se demander : qu’est-ce qu’on veut obtenir avec ce nouveau modèle ? Est-ce réduire de moitié un taux de turnover, augmenter la part de marché sur un segment précis, accélérer un time-to-market ? Ces objectifs doivent être intégrés dès la conception de l’organisation, sinon on se prive d’une boussole pour la suite. En phase de mise en œuvre, ils se transforment en indicateurs à suivre.

Ensuite, il y a la question de la performance organisationnelle au quotidien : est-ce que l’organisation fonctionne bien ? Est-ce que les circuits sont fluides ? Pour le mesurer dans mes missions, je mets généralement en place une combinaison d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs : baromètres sociaux, enquêtes de satisfaction internes, feedbacks à chaud. Ces outils donnent un regard croisé sur la perception des collaborateurs et sur les points de friction.

Enfin, il faut accepter un principe simple : tout ne sera pas parfait au lancement. Certaines règles ou certains processus ne fonctionneront pas comme prévu. Le rôle du pilotage, c’est justement d’autoriser des ajustements rapides, sans remettre en cause le cap. On parle de réajustements à la marge : clarifier un rôle, modifier une délégation, ajuster un rituel de pilotage. C’est cette lucidité et cette souplesse qui permettent à la réorganisation de gagner en performance sur la durée.

En quoi l’approche de Projexion fait-elle la différence dans la mise en œuvre d’une réorganisation ?

Chez Projexion, nous avons accompagné des organisations dans des contextes très variés. Pas seulement dans des phases de développement ou de croissance, mais aussi dans des situations beaucoup plus défensives, où l’objectif était de sécuriser le business et la rentabilité. Ces contextes sont exigeants : la mise en œuvre est souvent plus complexe, les impacts plus sensibles, et la tolérance à l’erreur beaucoup plus faible.

Ce qui fait notre force, c’est aussi la polyvalence de nos chefs de projet organisation. Ils cumulent trois dimensions : une solide expertise méthodologique et de gestion de projet, une capacité à travailler en partenariat étroit avec la fonction RH, et une posture de facilitateur pour accompagner les équipes dans le changement. Cette combinaison, nous la cultivons systématiquement, car une réorganisation ne se réussit pas uniquement par la méthode, ni uniquement par l’humain. Elle se réussit par l’articulation des deux !