L’externalisation de la logistique, une transformation métier, IT autant que RH

Externalisation de la logistique et supply chain

Le développement du e-commerce, la mondialisation des échanges et plus récemment la prise en compte par les consommateurs de l’impact écologique du transport ont fortement développé les enjeux logistiques ces dernières années. L’omnicanalité a aussi déplacé le cœur de la chaîne de valeur sur le client qui peut maintenant choisir ses canaux de distribution.

Réussir sa logistique n’est plus qu’une affaire de coût, c’est devenu un enjeu clé de l’expérience client !

Dans ce contexte, l’externalisation de la logistique est-elle une opportunité ou représente-t-elle un risque ? Nous accueillons dans cette interview croisée Amaury, consultant SC&L et Véronique, chef de projet Supply Chain.

Dans quel contexte évolue la logistique actuellement ? Quels sont les facteurs extérieurs qui l’impactent ? 

Amaury :

Historiquement la logistique était internalisée dans le retail, la distribution, l’industrie… Ces secteurs se sont construits avec une logistique intégrée !

Cependant, dans le contexte de transformation que nous connaissons, de nombreux grands groupes souhaitent se reconcentrer sur leur cœur de métier. C’est-à-dire les produits et les clients ! La logistique devient alors un support et l’externalisation est à envisager. 

Cette externalisation, c’est aussi la capacité à reporter vers le prestataire tout ce qui fait sa complexité : personnes, systèmes d’information, innovations… C’est souvent le canal e-logistique qui va déclencher l’externalisation. Le e-commerce s’impose et les grands groupes ont moins d’expertise sur ce plan.

Les pure players digitaux qui lancent une activité commerciale ne se posent même plus la question. La prestation logistique est sous-traitée. Le défi de l’externalisation porte donc sur les acteurs qui historiquement l’avaient intégrée !

La question centrale est « la logistique fait-t-elle partie de notre métier ou souhaitons-nous la confier à un expert ? »

Véronique :

Sans compter que le secteur de la logistique se consolide, monte en compétences, en innovation… et tous les grands groupes n’ont pas la volonté d’investir ! Le client et le produit restent très souvent les premiers enjeux.

Les retailers n’auront pas accès aux mêmes portails de service. Les logisticiens qui se sont spécialisés ont une plus grande capacité d’innovation que ce soit en termes d’équipements, de services ou d’informatique. Ces innovations se matérialisent directement en termes de services pour le retailer  et pour le consommateur. Ils représentent donc aussi des différenciateurs pour l’expérience client .

Où sont précisément les produits ? Quand vont-ils être livrés ? Quelles sont les quantités en stock ? Comment valoriser ces données auprès des clients ? Bien gérer toute la chaîne d’information requiert de s’équiper d’outils de tracking qui peuvent remonter les données, les analyser et les mettre à disposition.

En externalisant, le donneur d’ordre a accès à l’ensemble de ces flux, et peut se concentrer sur la meilleure manière d’en tirer des bénéfices au profit des consommateurs.

Quels sont les facteurs extérieurs qui poussent les retailers historiques à externaliser leur logistique ? 

Amaury :

Click and collect, ship from store, drive, point relais, livraison à domicile… les canaux de distribution évoluent constamment.  L’omnicanalité impose aux distributeurs d’être réactifs et de savoir adapter leur supply chain. Cette réactivité requiert une flexibilité et une innovation qu’il est parfois difficile et coûteux de maintenir interne.

L’externalisation permet aux distributeurs de capitaliser sur l’expérience des logisticiens. Ces derniers peuvent massifier, standardiser et mutualiser ce qui libère des axes d’efficience et d’innovation. L’amélioration de la chaîne logistique et le développement de nouveaux leviers pour répondre à l’omnicanalité requièrent des investissements !

Véronique :

La politique de retour qui a pris beaucoup d’importance ces dernières années est un bon exemple. Offrir aux clients une prestation de retour efficace et sans couture est devenu essentiel pour l’expérience client. Les experts de la logistique offrent une palette de services et sont déjà outillés, ce qui n’est pas le cas de tous les retailers. Ce n’est pas qu’un enjeu de supply chain, c’est l’expérience client qui est en jeu ! 

L’externalisation de la logistique représente alors la solution parfaite ?  

Amaury :

Chaque avantage a aussi son revers. Par exemple, la mutualisation implique que le prestataire logistique accueille plusieurs enseignes dans un même entrepôt. Les organisations n’ont pas toujours envie que leurs produits se retrouvent à côté de ceux des concurrents, et que ces derniers viennent visiter les locaux !

Il y a donc aussi des risques à externaliser : cela implique de partager des données sensibles et en cas de souci, l’entreprise est dépendante du prestataire.

Véronique :

L’externalisation de la logistique est un projet en tant que tel ! Il entraîne un changement profond aussi bien au niveau du Système d’Information que des employés. Cela implique donc un accompagnement dédié. 

Il ne s’agit pas que d’arrêter une activité d’un côté et de la relancer de l’autre. Cela soulève de nombreux enjeux !

Quels sont alors les enjeux à prendre en compte pour externaliser sa logistique ?

Amaury :

Pour moi, le premier enjeu est sociétal ! En effet, quand on externalise la logistique alors que le service était intégré au sein de l’organisation cela implique une reprise des actifs, du personnel, de l’activité et des équipements. Transférer le personnel est un enjeu sensible ! De plus, l’externalisation prend souvent place dans un contexte de sureffectif, et la société qui reprend l’actif dispose de leviers d’optimisation complémentaires. Cela a donc des conséquences sur les employés.

Véronique :

Il ne faut pas non plus négliger la conduite du changement au niveau du Système d’Information. Il s’agit quand même de confier une partie de ses données au prestataire ! Je suis convaincue que les équipes informatiques doivent être impliquées au même titre que les équipes métiers.

On bâtit en quelque sorte un système d’information étendu entre son SI interne et celui du prestataire. La brique logistique déportée l’est aussi bien d’un point de vue opérationnel que digital. Les ERP legacy au sein des retailers sont encore nombreux : ce n’est pas un mode plug & play ! Cela implique donc des développements d’interfaces pour conserver la continuité de la chaîne d’information entre le client, son prestataire et les consommateurs. 

Les entreprises qui veulent externaliser ont donc un travail à mener en interne au niveau humain, processus autant qu’informatique !

Amaury :

Pour rebondir sur ce point clé soulevé par Véronique, j’ai l’exemple où l’externalisation de la logistique a été le révélateur des problèmes liés à la legacy du SI. Cela peut être un frein : certains groupes peuvent avoir peur de se confronter à des systèmes extérieurs et révéler chez eux des faiblesses.

Pourriez-vous nous partager des cas concrets d’externalisation sur lesquels vous êtes intervenus ?

Amaury : 

Je peux partager un exemple d’externalisation mené en pleine crise du COVID. C’est une période où certaines enseignes de distribution spécialisée ont surperformé. Les magasins étaient ouverts mais les consommateurs ne pouvaient ou ne voulaient pas se déplacer. Cela implique que ces enseignes ont dû développer très rapidement la livraison à partir des magasins. Dans ces délais, la seule solution était de s’appuyer sur des prestataires extérieurs pour chercher les commandes mises à disposition en magasin et les livrer aux clients. En deux semaines le processus a été mis en place, alors qu’en interne cela aurait été impossible !

La chaîne était transparente du point de vue client, de la commande web en passant par la préparation de la commande, la connexion à l’API du prestataire jusqu’à la livraison.

Véronique :

Pour ma part, j’ai travaillé sur des solutions de tracking des flux complets, incluant le suivi du transporteur. Le métier pouvait se détacher de la facette technique et se concentrer sur le suivi des KPI.

Pour arriver à ce cycle complet, nous avons tout d’abord découpé et décrit tous les jalons du processus afin de le cartographier. C’est ce qui a permis de l’implémenter efficacement dans l’outil et de piloter les flux. D’où des gains énormes en qualité et en termes de délais de livraison par rapport à l’interaction avec les prestataires au travers d’e-mails et de fichiers Excel ! 

La capacité à se connecter facilement sans engranger des projets lourds est un élément important. Ce n’est pas qu’un enjeu IT : toute perte de temps à une étape impacte les délais de livraison. Il est essentiel de proposer un parcours transparent pour les consommateurs !

L’externalisation de la logistique est donc une transformation de fond, quels sont vos conseils pour la mener à bien ?

Véronique :

Sur le fond, la confiance est essentielle. C’est une relation de partenariat plutôt que de donneur d’ordre à sous-traitant. On voit par exemple des distributeurs qui détachent un référent chez le partenaire pour renforcer la collaboration. 

Comme je l’avais abordé, externaliser est une transformation qu’il faut accompagner. Toute l’entreprise doit y participer !  On retrouve ainsi toutes les bonnes pratiques de la conduite du changement comme la mise en place d’un réseau d’ambassadeurs, une direction convaincue et l’alignement entre métier et IT. Les services RH, relation clients sont aussi concernés et doivent participer aux ateliers de réflexion.

Au niveau des étapes, la priorité est de mettre en place une approche par les processus. Cela peut ainsi débuter par un audit pour modéliser le fonctionnement en interne et le décrire sous forme de process métier et informatique. C’est ce qui permettra de rédiger ensuite un cahier des charges précis pour l’externalisation.

Amaury : 

Les étapes suivantes sont assez classiques : rédaction d’un cahier des charges, appel d’offres, sélection des prestataires… 

Si les aspects économiques sont bien sûr à prendre en compte pour le choix, il ne faut pas négliger le maillage géographique, l’expertise, l’ouverture du SI, ou ce que le prestataire mettra en place pour accompagner socialement la transformation.

Quand la sélection est faite, on bascule sur la mise en œuvre : maitrise d’ouvrage, gestion de projet, accompagnement des métiers, évolutions des systèmes techniques…

Il est tout à fait possible de commencer par un POC en externalisant par exemple 10% de sa logistique, ou par un canal de distribution : conserver la logistique des magasins mais externaliser sa e-logistique par exemple. L’entreprise peut ainsi se rendre compte des implications et se confronter au pilotage de la sous-traitance ou à la connexion des SI.  Elle révèle les problèmes et peut anticiper les actions à mener avant de déployer complètement la démarche.

Comment Projexion se positionne par rapport à l’externalisation de la logistique ? Sous quelles formes pouvez-vous accompagner ce secteur dans sa transformation ?

Amaury :

Projexion est capable d’assister les entreprises pour cadrer chaque étape de l’externalisation. Nous adressons l’accompagnement de la transformation plutôt que la couche de prestation technique. Nos consultants sont avant tout des facilitateurs du changement qui vont fluidifier les relations en interne autant qu’en externe.

Véronique :

Nous savons aller chercher les compromis et observer toutes les possibilités, sans parti pris ! On apporte aussi à nos clients notre vécu dans d’autres missions d’externalisation, en toute confidentialité. Cette expérience apporte une vision plus large, et facilite l’identification des écueils.

Amaury Vercoutere, Consultant en organisation & management de projets

Amaury Vercoutere

Consultant en Management
et Supply Chain

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